Au cœur de l’été, un magazine faisait sa couverture sur « Les idées reçues sur la Santé ». A défaut de pouvoir bronzer idiot sans soleil,
l’été nous fournissait en effet le temps pour quelques dossiers et analyses de
fond…
Encore aurait-il fallu pour cela que
les idées ne brillent pas elles aussi par leur absence... Dès les premières
lignes, l’impression d’amateurisme sautait
aux yeux : était-ce le travail d’un stagiaire, un dossier ressorti à
défaut de croustillant scandale estival, un article vite bâclé par un
journaliste pressé de partir et vite non-relu par des collègues déjà partis ?
L’auteur semblait en tout cas s’y
connaître en matière d’idées reçues. Les
thématiques retenues – Nutrition, sommeil, sport et allergies – accumulaient
les clichés tout en multipliant les révélations. Aussi surprenant que cela
puisse paraître, nous apprenions ainsi que boire de l’eau ou manger 5 fruits et
légumes par jour était… bon pour la santé !
Selon la définition du journaliste,
une idée reçue est une idée dont « aucune étude clinique n’a pu en
démontrer la véracité de manière définitive ». En attendant un dossier sur « Les
idées reçues sur la Science », rappelons
quand même que le définitif est rare en science, que les études cliniques ne
sont menées que par ceux qui ont trouvé un financement et que ces financements
sont de plus en plus le fait des lobbies industriels.
Les idées financées par l’industrie seraient-elles plus objectives que
les idées reçues (gratuitement) de nos aïeuls ? Voir notre édito de mars 2013 La
bêtise au nom de la science ou les mésaventures de Benvéniste
lorsqu’il a eu le malheur de parler de la mémoire de l’eau… Dans tous les cas, « Il
est difficile pour un
homme de comprendre une chose si son salaire dépend de ce qu'il ne la comprenne
pas » (Upton Sinclair).
Le journaliste semblait pour le coup ne pas avoir
compris grand-chose. Faut-il manger de la viande rouge plus d’une fois par
semaine ? « Plus que le
nombre de rations, il faudrait plutôt contrôler la quantité hebdomadaire
consommée. » répond-il. La qualité de la viande n’a aucune espèce
d’importance : c’est la quantité qui compte ! Tant que vous ne dépassez pas les 500 grammes par semaine, vous pouvez manger toute la viande
bourrée d’antibiotiques d’animaux stressés et malades cramée au barbecue que
vous voulez ! Cette affirmation
(payante) contredit le Rapport Campbell, la plus vaste enquête de
nutrition jamais menée (en Chine et reprise dans le film La santé dans
l’assiette[1]) mais tant pis : les
études pratiques de terrain ne vaudront jamais les études théoriques cliniques…
Il aurait été très surprenant de trouver une réflexion
sur la qualité de l’eau du robinet dans un magazine grand public.[2] Les idées taboues doivent le rester ! Nous apprenons donc plutôt (autre
révélation !) que les sportifs devraient boire plus d’eau que les autres… notamment
afin d’augmenter leur apport en magnésium. Cette affirmation contredit le fait
que l’homme soit hétérotrophe c'est-à-dire incapable d’assimiler correctement
les minéraux des eaux (d’où le scandale des eaux minérales) mais tant
pis : la biologie humaine n’a apparemment pas sa place dans les
laboratoires industriels…
Il est donc logique qu’ils ignorent également la
bio ! A la question « Les aliments bio sont-ils meilleurs pour la
santé ? », la réponse apportée est « Faux ! » :
« Aucune preuve scientifique ne confirme l’hypothèse selon laquelle le
bio serait meilleur pour la santé que les aliments classiques ». Ils
seraient même plus dangereux [sic !] puisque « Les fruits et
légumes bio, qui ne sont pas traités avec des pesticides, sont plus fragiles et
contaminables, ce qui peut favoriser les infections alimentaires. »
La fréquentation des cliniques favoriserait-elle la
cécité ? Suffisamment de livres ont été publiés sur les pesticides
pour que l’on ne puisse en nier la nocivité. Or les produits bio sont d’abord
bénéfiques pour ce qu’ils permettent d’éviter!
Ainsi, le bio affiche une concentration en cadmium, mercure et plomb
près de 50% inférieure, une teneur en azote, nitrates et nitrites
respectivement plus faible de 10, 30 et 87% et la présence de pesticides quatre
fois moins élevée que les aliments industriels… « Primum non nocere,
d’abord ne pas nuire » disait Hippocrate pour lequel la nutrition
était « la première médecine ».
Les chiffres ci-dessus – qui concluent également à une
teneur en antioxydants supérieure de 18 à 69% dans les produits bio – sont le
résultat de l'analyse de 343 études parues dans diverses revues scientifiques. Pas
de chance : justement celles que le journaliste n’a pas
consulté !
La section sommeil est plutôt soporifique et
n’interroge évidemment pas les méfaits des somnifères sur la qualité du sommeil
– « On ne peut pas dire la vérité, il y a trop de gens qui en prennent » ?
[3] –
mais plutôt l’influence de la pleine lune…
La section sport remet en cause les étirements qui
pourraient « favoriser les risques de blessures » mais peuvent
« améliorer la mobilité musculaire et articulaire ». Au jeu du
« ni oui ni non », à tout dire et son contraire, on ne prend
évidemment aucun risque et surtout pas celui de remettre en cause le sport
intensif, qui, en favorisant la surproduction de radicaux libres, a un effet
délétère sur la santé…
Terminons sur les allergies avec deux belles
affirmations gratuites (sponsorisées par l’industrie?) : le lait maternel ne
limite aucunement les allergies tandis que colorants et autres conservateurs
n’y sont pour rien. De là à comprendre
que le lait maternel n’est pas supérieur au lait en poudre et que l’on ne
risque rien à consommer des additifs alimentaires, il n’y a qu’un pas… « Attention : nous ne parlions que
des allergies ! Le lait a d’autres bienfaits et les additifs peuvent
favoriser des intolérances et une hyperactivité chez l’enfant. »
Trop tard, l’amalgame est fait : à tout mélanger
et à raconter n’importe quoi, plus personne ne s’y retrouve et reste tributaire
du médecin pour sa santé, des industriels pour son alimentation, des journalistes
pour son information…
Le même magazine s’interrogeait, il y a quelques mois,
sur les causes du succès de la théorie du complot mais faut-il chercher ces
causes ailleurs que dans la désinformation ?
Tant que les journalistes ne feront pas leur travail – à savoir révéler
les vérités qui dérangent (les puissants et les industriels) – pourquoi ne pas
en effet parler de complot ?
Serait-il plus juste de parler d’imposture ou de couardise ?
Le magazine déplorait plus récemment la perte
régulière de lectorat de la presse écrite mais faut-il en chercher la raison
ailleurs que dans l’approximation de l’information et le manque de courage des
journalistes ? Où sont passés les
dossiers de fond analysant objectivement le pour et le contre, sans parti-pris
ou considérations publicitaires ?
Puisque la vérité sur les fondamentaux ne se trouve apparemment
plus dans les médias grand public, il va bien falloir la chercher
ailleurs : dans des livres-enquêtes pour faire le point sur un sujet ou
encore sur internet où, pour peu que l’on fasse une vraie recherche, on
arrivera facilement à tomber sur de vraies « idées reçues sur la santé ».
Par exemple :
NUTRITION : Le lait est bon pour la santé / Le
pain est un aliment de base / L’aspartame est sans danger / Le petit-déjeuner
est le repas le plus important de la journée / Nous avons plus de choix
qu’auparavant / « Il faut manger de tout et aucun aliment n’est mauvais en
soi » (affirmation de base des nutritionnistes) / Les régimes et le Light
permettent de perdre du poids / L’eau du robinet est d’excellente qualité / Les
aliments raffinés et le micro-ondes sont des progrès / Les experts en nutrition
sont tous indépendants et vous pouvez leur faire confiance… Voir notamment les sites www.nutriwell.ch et www.eaunaturelle.ch pour répondre
« Non ! » à chacune des affirmations précédentes.
SANTE : La médecine allopathique est toujours
plus efficace que les thérapies naturelles / Les médicaments sont
indispensables pour être en bonne santé / L’espérance de vie s’est allongée
grâce à la médecine / Les maladies
chroniques ne sont en rien liées à la chimie ou à la nutrition industrielle /
Les huiles essentielles sont très dangereuses / Les vaccins sont un miracle de
la science / Les ondes électromagnétiques n’ont aucune incidence sur la santé… Voir
notamment les sites www.aromatheque.ch,
www.lestherapies.ch et www.protection-ondes.ch pour
répondre toujours « Non ! » à chacune des affirmations
précédentes.
« Penser, c’est dire non » a écrit le
philosophe Alain. Remettre en cause les
idées reçues, battre en brèche les préjugés, requiert avant tout une réflexion
personnelle et un soupçon de bon sens. On parle pour les discréditer d’idées de
« bonne femme » mais ce sont le plus souvent des idées de
« bonne fame », c’est-à-dire de bonne réputation !
La santé est une affaire sérieuse mais il n’y a
heureusement pas de fatalité. Des solutions existent en dépit des affirmations
de la médecine ou des « experts en expertise ». Les traditions de nos
aïeux, moins axées sur le scientisme que sur l’écoute et la compréhension de la
nature (humaine), seraient une belle source d’inspiration. Ne vivaient-ils pas
globalement en meilleure santé que nous ?
Nous bénéficions
des progrès de la chirurgie et de l’hygiène et donc d’une espérance de vie statistique
plus longue (moins de décès à la naissance et moins d’épidémies) mais il y
avait probablement davantage de centenaires aux siècles passés : moindres
pollutions, alimentation frugale et complète, activités physiques au grand air,
spiritualité et convivialité dans les villages… La santé s’est dégradée avec la
civilisation[4], le
confort, le "progrès"… et le manque de repères.
Nos aïeuls ne lisaient-ils donc pas l’Hebdo ?[5]
Frat’airnellement,
LeCentre Oasis
[1]
DVD en prêt gratuit dans le Centre mais qui n’aborde pas non plus la question
de la qualité de la viande. Le rapport Campbell est également critiquable du
fait de ses biais scientifiques et de ses conclusions extrémistes. Nous sommes
omnivores et devons donc manger de la viande mais pas de n’importe quelle
qualité et pas n’importe comment !
[2]
J’ai informé le magazine ainsi que l’émission A bon entendeur de la TSR
des principaux scandales de l’eau en 2013… sans aucune réaction pour le moment.
Nous avons bien réussi à placer quelques idées fortes dans un « Cahier
spécial eau » mais moyennant une publicité payante !
[3] Pour paraphraser
Coluche : « On ne
peut pas dire la vérité à la télé, il y a trop de gens qui regardent »
[4] Après avoir fait le tour du monde et
rencontré les peuplades les plus diverses, le dentiste américain Weston Price
(1870-1948) constata une règle de base : tant que ces peuplades restaient
isolées et fidèles à leur régime alimentaire traditionnel, leurs dents étaient
superbes. Dès qu’une route était construite et que la civilisation s’installait, la santé des indigènes commençait à
s’altérer… (Dr Catherine Kousmine, Soyez
bien dans votre assiette jusqu’à 80 ans et plus, Tchou, 1980.)
[5]
« Les idées reçues sur la Santé », l’Hebdo N°31, 31 juillet
2014. La qualité et l’attractivité de ce magazine se sont sensiblement
dégradées depuis sa nouvelle formule en 2014 mais il demeure selon moi le
meilleur magazine de Suisse romande. Reste à espérer que l’article en question
soit un accident de parcours qui ne se multipliera pas… De fait, le magazine a déjà publié la
réaction d’un lecteur intitulée « Fausse route sur le bio ». Son
rédacteur en chef, contacté par mail en octobre, n’a par contre pas souhaité commenter cet
édito.