vendredi 1 février 2013

Être ou ne pas (bien) être ? - Edito Février 2013

– Bonjour, je voudrais du bien-être s’il vous plait.
– Mais bien sûr, quelle qualité désirez-vous ?  J’ai là un nouvel arrivage de bien-être chinois à un prix défiant toute concurrence. A moins que vous ne visiez la qualité bien de chez-nous ? La nouvelle collection printemps-automne vient justement de sortir…


– Cher Magazine, je ne suis pas bien dans ma vie. Que puis-je faire ?
– Chère lectrice : cette question, vous êtes nombreux à vous la poser et la réponse tient en trois mots : cure de bien-être !  Notre dossier spécial de ce mois-ci vous donnera toutes les adresses et tous les conseils pratiques pour bien naître, bien grandir, bien manger, bien maigrir, bien jouir, bien vieillir et bien mourir.

– Monsieur, c’est un scandale, mon bien-être est tombé en panne après juste quelques heures d’utilisation !
– Voyons voir cela… Oui, en effet, il ne marche plus… Êtes-vous sur d’avoir bien respecté le mode d’emploi, de vous être donné suffisamment de mal ?


Ces dialogues surréalistes illustrent quelques unes de problématiques soulevées par le bien-être de consommation courante :

Le bien-être est tout d’abord, ne l’oublions pas, l’accroche marketing la plus universellement utilisée par les industriels et leurs complices publicitaires : quelque soit le produit ou le service et à défaut de pouvoir décemment promettre le bonheur, on vous fera miroiter du bien-être! 

Mais le bien-être existe aussi en version propre et se déclinera alors à toutes les sauces, des moins légères aux plus salissantes. Il existe des centres de bien-être, des restaurants bien-être, des associations bien-être, des éditeurs du bien-être, des experts en bien-être et évidemment des formations en bien-être.

L’être ne se suffit de toute évidence plus à lui-même. Il lui faut désormais du bien, des biens. Polyvalent, le bien-être est devenu le remède de la vie moderne, la petite pilule qui permet d’oublier la pesanteur du présent, de s’oublier un instant… jusqu’à la prochaine crise. Insidieusement, le bien-être est aussi devenu la dernière tyrannie à la mode: malheur à celui qui n’a pas l’air d’être bien !

Mais une question tout de même : Sommes-nous vraiment plus heureux depuis que nous sommes cernés par le bien-être, que nous visons tous le bien-être ?

La réponse est clairement non : jamais il n’y a eu autant de recettes mais jamais autant de personnes n’ont paradoxalement été confrontées au mal-être.  Paradoxal ?  Non si l’on en croît le philosophe Pascal : « Qui veut faire l’ange, fait la bête » avertissait-il.  Qui vise le bien aurait ainsi plutôt tendance à récolter du mal, ne serait-ce que parce que ce dernier sera d’autant plus redouté…

La vie n’est pas manichéenne, blanche ou noire : le jour alterne avec la nuit, le yin avec le yang, le bien avec le mal. Il faut de tout pour faire notre monde. Viser le bien-être pour éviter le mal-être ou rejeter la maladie pour être en bonne santé ne sont pas des stratégies réalistes.

« Quand chacun saisit le sens du bien, le mal apparaît » dit Lao Zi. [1]  Quand chacun saisira la tyrannie du bien-être, la liberté de l’être apparaîtra et avec elle la possibilité d’un véritable contentement et épanouissement personnel.

Voilà pourquoi nous nous présentons plutôt comme un centre de thérapies naturelles et préférons globalement parler de mieux-être : être mieux (c'est-à-dire améliorer son état sans nécessaire faire référence à un "bien" ou à un "mal" subjectif ou doctrinal) mais aussi et surtout être davantage « dans l’être », accorder plus d’importance à son être, à sa véritable nature. 

Plutôt que de paraître, il faudra bien en effet un jour finir par être !

Frat’airnellement,

Fencienne & Benoît  Saint Girons


[1] Lao Zi, Daode Jing, 2-2, traduction personnelle, voir www.daodejing.fr

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